Premières Lignes #9

Le soleil des Scorta

de Laurent Gaudé

Déjà le neuvième billet de rendez-vous hebdomadaire, initié par Aurélia du blog Ma Lecturothèque : les premières lignes d’un livre que j’ai lu et apprécié, chroniqué ou pas.
Si vous souhaitez participer aussi, n’hésitez pas à mettre un commentaire avec le lien de votre article pour que je puisse vous ajouter à la liste. 😉

«La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s’était évanoui. La piere gémissait de chaleur. Le mois d’août pesait sur le massif du Gargano avec l’assurance d’un seigneur. Il était impossible de croire qu’en ces terres, un jour, il avait pu pleuvoir. Que l’eau ait irrigué les champs et abreuvé les oliviers. Impossible de croire qu’une vie animale ou végétale ait pu trouver – sous ce ciel sec – de quoi se nourrir. Il était deux heures de l’après-midi, et la terre était condamnée à brûler.
Sur un chemin de poussière, un âne avançait lentement. Il suivait chaque courbe de la route, avec résignation. Rien ne venait à bout de son obstination. Ni l’air brûlant qu’il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s’abîmaient. Il avançait. Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique. L’homme ne bougeait pas. Hébété de chaleur. Laissant à sa monture le soin de les porter tous deux au bout de cette route. La bête s’acquittait de sa tâche avec une volonté sourde qui défiait le jour. Lentement, mètre après mètre, sans avoir la force de presser le pas, l’âne engloutissait les kilomètres. Et le cavalier murmurait entre ses dents des mots qui s’évaporaient dans la chaleur. « Rien ne viendra à bout de mois… Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai. Il y a trop longtemps que j’attends… La terre peut siffler et mes cheveux s’enflammer, je suis en route et j’irai jusqu’au bout. »
Les heures passèrent ainsi, dans une fournaise qui abolissait les couleurs. Enfin, au détour d’un virage, la mer fut en vue.
« Nous voilà au bout du monde, pensa l’homme. Je rêve depuis quinze ans à cet instant. »
La mer était là. Comme une flaque immobile qui ne servait qu’à réfléchir la puissance du soleil. Le chemin n’avait traversé aucun hameau, croisé aucune route, il s’enfonçait toujours plus avant dans les terres. L’apparition de cette mer immobile, brillante de chaleur, imposait la certitude que le chemin ne menait nulle part. mais l’âne continuait. Il était prêt à s’enfoncer dans les eaux, de ce même pas lent et décidé si son maître le lui demandait. Le cavalier ne bougeait pas. Un vertige l’avait saisi. Il s’était peut-être trompé. À perte de vue, il n’y avait que collines et mer enchevêtrées. « J’ai pris la mauvaise route, pensa-t-il. Je devrais déjà apercevoir le village. À moins qu’il n’ait reculé. Oui. Il a dû sentir ma venue et a reculé jusque dans la mer pour que je ne l’atteigne pas. Je plongerai dans les flots mais je ne céderai pas. Jusqu’au bout. J’avance. Et je veux ma vengeance. »
L’âne atteignit le sommet de ce qui semblait être la dernière colline du monde. C’est alors qu’ils virent Montepuccio. L’homme sourit. Le village s’offrait au regard dans sa totalité

Résumé:

Lorsque commence le récit, Luciano Mascalzone, un traîne-savate vivant de petites rapines, revient après quinze années de prison à Montepuccio, un village des Pouilles aux façades sales où les heures passent dans une fournaise qui abolit les couleurs. Autour, ce ne sont que collines et mer enchevêtrées. « Il m’a fallu du temps mais je reviens. Je suis là. Vous ne le savez pas encore puisque vous dormez. Je longe la façade de vos maisons. Je passe sous vos fenêtres. Vous ne vous doutez de rien. Je suis là et je viens chercher mon dû. » Son dû, c’est Filomena Biscotti, une femme qu’il désire depuis qu’il l’a rencontrée et dont le souvenir n’a cessé de le hanter. Ce que Luciano ignore, c’est que celle qui lui ouvre sa porte et qui se laisse dépuceler est la sœur cadette de celle qu’il convoitait, Immacolata. Battu à mort par les villageois, il meurt dans le dégoût du monde. Immacolata donne naissance à un fils. C’est ainsi que naît la lignée des Mascalzone, qui portera le nom de Scorta : d’une erreur, d’un malentendu. « D’un homme qui s’était trompé. Et d’une femme qui avait consenti à ce mensonge parce que le désir lui faisait claquer les genoux. »

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8 réflexions sur “Premières Lignes #9

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